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J'ambitionne de réussir pour le Sénégal ce que j'ai réussi ailleurs...

Banquier d’affaires de réputation internationale, Amadou Hott, le patron du Fonds Souverain d’Investissements Stratégiques en abrégé « FONSIS S.A », dévoile, pour REUSSIR, ses ambitions de faire du FONSIS, le premier outil gestionnaire d’actifs de l’Etat, fédérateur des investisseurs sénégalais et étrangers autour d’investissements efficaces, rentables et créateurs de richesse et d’emplois. Entretien.

Diriger le FONSIS est un vrai défi. Pourquoi avoir accepté un tel challenge ?

Etant donné que j’ai coordonné la mise en place du Fonds Souverain d’Investissements Stratégiques, lorsque le Chef de l’Etat a porté son choix sur ma personne pour gérer cet outil très important pour notre économie, j’ai accepté. Il s’agissait, d’abord, d’apporter ma contribution pour aider à relever les défis auxquels nos Etats sont confrontés : lutte contre la pauvreté, croissance économique, création de richesse et d’emplois à travers la mise en œuvre de projets bien structurés et rentables. Quoi de plus naturel alors, pour un digne fils de ce pays que de revenir mettre ses compétences et son expérience de la finance internationale au service de sa nation, de lui faire bénéficier de son expérience à travers l’instrument tout à fait nouveau et innovant qu’est le FONSIS. C’est en droite ligne avec ce que j’ai toujours fait depuis le début de ma carrière. C’est pour ces raisons que, dès que la proposition m’a été faite, j’ai accepté.

Quelles sont vos ambitions à la tête du FONSIS ?

Mes ambitions sont très claires. C’est de réussir pour le Sénégal ce que j’ai réussi ailleurs pour d’autres. De faire du FONSIS le premier outil (gestionnaire d’actifs) de l’Etat et fédérateur des investisseurs sénégalais et étrangers autour d’investissements efficaces, rentables, et créateurs de richesse et d’emplois. Bien entendu, pour ce faire, le FONSIS devra être une institution viable, exemplaire en matière de gestion des ressources financières et humaines, et donner les gages d’une transparence sans faille, d’expertise dans la structuration de projets, afin de réussir les levées de fonds multiples que nous aurons à faire et investir efficacement ces fonds dans notre économie.

Quels sont votre conception et votre style de management ?

Il est difficile de fixer une conception ou un style particulier quand on a la charge de diriger une institution d’une si grande importance dans le dispositif du gouvernement. Les compétences sont plurielles et le but est de tirer le maximum de chacune d’elles pour garantir la réussite du projet. Toujours bien planifier, même s’il sera nécessaire parfois de s’adapter aux exigences d’une situation donnée. L’essentiel, aujourd’hui, est d’agir vite et efficacement, pour répondre aux exigences sociales. C’est pourquoi, j’ai adopté un management direct qui me permet parfois de travailler même avec un chargé d’investissement junior, au lieu de passer par les directeurs et autres chefs de département qui se réjouissent de voir leur DG s’impliquer directement dans les opérations de structuration de projets.

Quelle analyse faites-vous de l’environnement de votre secteur ?

Le Fonsis se constitue en fonds souverain d’investissement de standard international. Le Sénégal n’étant pas un pays avec des excédents pétroliers tels les pays du Golfe, la Norvège ou encore le Nigéria ou le Gabon, le modèle de collecte de fonds et de gestion retenu est celui du fonds pionnier Temasek, fonds souverain de Singapour, créé en 1974, pour regrouper les participations étatiques dans les entreprises locales.

Le FONSIS pourrait être assimilé aux fonds de capital investissement (plus connus sous l’appellation de private equity, PE), à la différence qu’il est un fonds de développement et par conséquent exige un taux de rentabilité interne (TRI) d’environ 12% net sur les projets dans lesquels il investit, contrairement aux fonds de PE qui exigent 20 à 25% de TRI.

Notre modèle de fonds souverain, reposant sur la fructification des actifs transférés par l’Etat et les levées de fonds en dette et en co-investissement, est le seul mis en place en Afrique. Nous nous appuierons donc sur cet avantage et orienterons nos actions vers le développement accéléré de l’activité de capital- investissement au Sénégal, pour l’élargir ensuite à l’Afrique de l’Ouest.  

Quelle est la structuration du FONSIS ?

Le FONSIS est constitué en Société Anonyme holding d’investissements. Tout en ayant une mission de support au développement, il a adopté les principes de Santiago qui régissent le fonctionnement des 26 plus grands fonds souverains internationaux. Ainsi, le FONSIS s’est doté d’un Conseil d’Administration qui sera composé, in fine, d’une majorité d’Administrateurs issus du monde des affaires et chargé d’approuver les comptes, les décisions d’investissement, de cession et de délibérer sur les opérations susceptibles d’affecter la situation du Fonds. En plus du Conseil d’Administration, le FONSIS se dotera d’un Conseil d’Orientation Stratégique (COS), composé d’éminentes personnalités locales et internationales du monde des affaires, du monde politique et de la société civile. Le COS se réunira, une fois par an, sous la présidence du Chef de l’Etat ou du Premier Ministre pour conseiller et orienter le FONSIS dans sa stratégie d’investissement.

Le FONSIS est organisé en secteurs etinvestit principalement dans les secteurs stratégiques définis dans le PSE à savoir l’agriculture, les infrastructures, l’énergie, les Tics, l’immobilier…

Quelle est l’architecture institutionnelle du FONSIS, en rapport avec le FONGIP, la BNDE, l’APIX et les autres institutions de l’Etat ?

Le FONSIS est un instrument aux côtés des autres comme le FONGIP, la BNDE ou la Caisse de Dépôts et de Consignation (CDC), actionnaire potentiel du FONSIS. Le FONSIS prend des parts dans des projets ou dans des sociétés. En renforçant les fonds propres de celles-ci, il leur permet de lever de la dette auprès de la BNDE ou auprès de n’importe quelle banque commerciale ou internationale. Le FONGIP, quant à lui, offre des garanties à des PME/ PMI et à des GIE, afin de faciliter l’obtention de crédit auprès de la BNDE ou des banques commerciales de la place. Le FONGIP permet également de bonifier les taux d’intérêts, en offrant des ressources longues aux banques commerciales afin qu’elles puissent prêter sur de longues maturités et à des taux peu élevés.

En tant qu’investisseur, le FONSIS bénéficiera du soutien au développement du secteur privé national et des investissements. Ce soutien sera apporté par les structures citées plus haut et les services compétents des ministères en charge des Finances ainsi que de la Promotion des Investissements et des Partenariats ou d’autres entités de l’Etat comme l’APIX.

En contrepartie de son action, le FONSIS pourra aussi bénéficier de l’appui de dispositifs d’assistance aux PME à l’instar de l’ADEPME ou encore du Bureau de Mise à Niveau, mis en place pour accompagner les PME durant leur création, développement et/ou restructuration.

Quels sont vos modes et stratégies d’interventions ?

Nous déployons en fonds propres ou quasi-fonds propres, dans nos projets (ou ceux d’autrui), notre capital et le financement levé par le FONSIS auprès des bailleurs et marchés de capitaux. Nous attirons aussi dans nos projets des co-investisseurs du secteur privé local et international ainsi que d’autres fonds d’investissement en capital ou fonds souverains. Une fois que les fonds propres sont constitués à travers le tour de table, nous levons du financement en prêt pour le projet. Ainsi, l’effet de levier est double : en fonds propres et en dette.

Un mot sur le fonds de capital-investissement dédié aux Pme ?

Le FONSIS allouera jusqu’à 20% de ses ressources de financement au développement des PME. L’action auprès des PME se fera principalement au travers d’un fonds de capital-investissement dédié aux PME, en partenariat avec l’ADEPME, le FONGIP, la BNDE, ainsi que les autres institutions de soutien à leur développement telles que la BHS et la CCNCAS sans oublier les autres banques commerciales du pays. Il s’agira de développer, avec ces partenaires, les métiers d’intermédiation et de suivi de projets dont la rémunération sera basée sur les résultats des entreprises supportées.

En plus de ce partenariat, le FONSIS développera des programmes spécifiques au travers des instruments comme l’investissement direct pour les PME identifiées comme potentiels champions nationaux; ou le développement de sous-fonds d’investissement spécialisés; ou encore le développement d’incubateurs autour des zones industrielles ou en partenariat avec les grandes entreprises et enfin,  par appel à projets dans le cadre du développement de chaînes de valeurs.

Le FONSIS interviendra en capital ou en prêts participatifs, de préférence dans le cadre d’un projet de développement, de restructuration, en support au promoteur local ou en joint-venture avec des partenaires techniques crédibles.

Comment comptez-vous contribuer à la création d’emplois ?

Le FONSIS compte investir dans des secteurs porteurs et créateurs d’emplois, notamment l’agriculture, les industries de transformations, les Tics, les autres services tels que le tourisme… en développant des champions nationaux. Le FONSIS cherche à fédérer les investisseurs autour de plusieurs projets et contribuera, le moins possible, au capital de façon à pouvoir utiliser ses ressources dans plusieurs projets. De plus, le FONSIS accompagnera le Promoteur du projet dans le rachat des parts du FONSIS au moment de sa sortie de façon à orienter ses ressources vers d’autres projets et créer ainsi plusieurs structures et, par conséquent, de l’emploi. Si une contribution du FONSIS de 10 milliards Fcfa peut permettre de lever 90 milliards supplémentaires (selon notre part du capital et le ratio d’endettement atteignable), alors ce sera 100 milliards investis et pouvant générer des milliers d’emplois, selon le secteur ciblé.

Par exemple, à un jeune en recherche d’emploi, le FONSIS offre concrètement deux opportunités : premièrement, en investissant dans de gros projets et des projets stratégiques qui emploieront ce jeune directement ou indirectement (via les PME sous-traitantes). Deuxièmement, en investissant dans le projet de ce jeune, si le projet de création d’entreprise est intéressant et bien ficelé. Après étude, le FONSIS pourra, à travers son fonds de capital-investissement dédié aux PME, prendre part au projet qui aura besoin de la dette et conseiller d’aller lever celle-ci auprès de la BNDE ou auprès d’autres institutions grâce à une garantie du FONGIP. Au total, on sera partenaire de ce jeune qui pourra, in fine, racheter nos parts. Notre objectif n’étant pas de rester très longtemps dans un projet afin de pouvoir faire tourner nos ressources dans le plus de projets possibles.

Avez-vous les moyens de vos ambitions ?

Le FONSIS a une certaine dotation en capital (Budget de l’Etat) et des actifs de l’Etat qui lui seront transférés. La loi prévoit que 10% des sociétés d’exploitation minières reviennent à l’Etat qui pourrait les transférer au FONSIS. Dans certains projets miniers, l’Etat a le droit d’acheter la production et de tirer profit de la revente de celle-ci au prix du marché. L’Etat possède aussi beaucoup d’autres actifs: des parts dans des sociétés, une assiette foncière importante. L’Etat est l’institution la plus riche du pays et il doit mettre cette richesse à contribution, pourquoi pas à travers le FONSIS ? En nous dotant d’un bilan solide, le FONSIS pourra lever les ressources si nous présentons des projets bien structurés aux bailleurs et aux investisseurs stratégiques et financiers.

Par ailleurs, le FONSIS dispose d’une équipe dont une partie est chargée de développer des projets jusqu’à un stade où ils sont «bancables» (études, plans d’affaires crédibles, détermination de la part Fonds propres/ Dette, documentation disponible…). Le développement de projets intéressants est la raison pour laquelle il est nécessaire d’avoir des experts sectoriels (industriels, ingénieurs, gestionnaires d’entreprises, etc.) aux postes de Directeurs exécutifs. La due diligence financière est assurée par les chargés d’investissement qui sont des professionnels de la finance et du capital-investissement, ayant reçu une solide formation en finance. Ils seront aussi chargés de la mise en place du fonds de capital-investissement dédié aux PME.

A quand les premiers résultats, d’autant plus que vous êtes soumis à un agenda très politique ?

Nous sommes rattrapés par le court terme, dans la mesure où le gouvernement s’est fixé des objectifs pour la réalisation des projets-phares du Plan Sénégal Emergent, surtout pour soutenir la croissance et la création d’emplois et de richesse.

Il est clair que, dans ce contexte, le FONSIS a l’obligation de faire des résultats très vite. Nous en sommes conscients et nous avons élaboré, en interne, des indicateurs de performance intégrant cette dimension de délai. On espère réaliser, d’ici la fin de l’année, au moins trois gros investissements qui vont générer des emplois.

Nous avons déjà démarré certains investissements dans des secteurs du PSE dont l’agriculture, les infrastructures, le Dakar Medical City… Nous sommes en pleine due diligence sur certains de ces projets. Nous avons récemment effectué des missions dans le Sud et le Nord du pays pour pouvoir rapidement investir dans l’agriculture, secteur stratégique et créateur d’emplois. D’ici deux mois, l’on pourra assister au premier investissement du FONSIS. D’ici septembre, on verra se concrétiser un autre investissement important du FONSIS dans l’agriculture. On espère réaliser d’ici la fin de l’année au moins trois gros investissements qui vont générer des emplois.

Justement, comment se fera l’intervention du Fonsis dans l’exécution du PSE ?

A travers le PSE, au-delà de la construction d’ouvrage et l’exécution de projets, l’Etat vise aussi le transfert de savoir-faire et Le développement de champions nationaux qui vont générer de la valeur et rendre notre économie compétitive. Notre rôle est de contribuer au développement de ces champions en étant un de leurs actionnaires.

Source de l'article: 

Réussir business